Pour un bilan juste: les coûts réels de l'activité minière

Jamie Kneen

National Program Co-Lead

Le 23 novembre, l'industrie minière sera présente sur la Colline du Parlement pour effectuer son lobby annuel. Soulignant le rôle qu'elle joue au niveau de l'économie canadienne, ses représentants demanderont encore plus de subsides gouvernementaux — sous forme d'exemptions d'impôts, de subventions et de réductions de frais d'usagers, d'accès à plus de territoire possible et d'allégement de la réglementation en matière d'environnement. Mais les lobbyistes et les experts en relations publiques ne disent pas toute la vérité.

Mines Alerte désire exposer certains faits qui suggèrent que l'activité minière comporte des coûts humains, sociaux et environnementaux négatifs assumés par l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.

Les coûts réels de l'activité minière incluent la destruction de la flore et de la faune, la pollution de l'air, de l'eau et des terres, les concessions injustes d'impôts, et les coûts énormes en matière de santé:

  • au-delà de 10,000 mines abandonnées par leurs propriétaires, plusieurs d'entre elles empoisonnant nos eaux avec le déversement de toxines acidiques incluant l'arsenic, le cadmium, le mercure et le plomb;
  • des milliards de dollars en responsabilité publique pour le nettoyage de mines abandonnées par leurs propriétaires sur des terres de la Couronne;
  • boulversements dans la vie traditionnelle de milliers d'autochtones au Canada et à l'étranger;
  • destruction de la nature et d'habitats vitaux pour l'ours, le caribou, le saumon et autres espèces;
  • des centaines de milliers de travailleurs blessés ou souffrant de la silicose, du cancer, de blessures au dos et du syndrome des doigts blancs;
  • les occasions ratées pour d'autres types de développement économique à cause des énormes investissements publics dans le secteur minier.

L'activité minière comporte des risques pour tous et chacun. L'industrie voudrait faire croire que seuls les investisseurs prennent tous les risques. La vérité est toute autre. Les véritables risques sont assumés par l'ensemble des contribuables tant au niveau fédéral que provincial, par les populations autochtones, les travailleurs et les communautés, sans compter l'environnement.

Le public est l'investisseur le plus important dans le secteur minier.

Les bénéfices publics dérivant de la création d'emplois, des impôts et des redevances attribués à l'activité minière doivent être évalués à la lumière des coûts pour la population. La mine Faro a reçu plus d'un milliard de dollars en subventions et en subsides provenant des coffres publics avant sa fermeture. Ce montant n'inclut pas les exemptions d'impôts, ou les coûts énormes liés aux opérations de nettoyage.

Parmi les nombreuses façons dont les contribuables financent l'industrie minière, on note :

  • des redevances qui ne compensent pas tous les coûts associés à l'utilisation des terres de la Couronne, et qui sont souvent différées ou non payées parce qu'elles sont basées sur les profits;
  • subventions, prêts pardonnables et sauvetages financiers pour des mines d'importance secondaire;
  • subvention d'infrastructures telles des routes, pistes d'atterrissage, production et distribution d'énergie à taux réduits;
  • frais qui ne couvrent pas tous les coûts pour les services fournis par le gouvernement : arpentage, examen des demandes de permis d'exploration et d'exploitation, recherche, surveillance, services de santé, éducation, formation, etc.
  • impôts différés et exemptions de taxes dus à la prospection, au développement et aux fermetures de mines;
  • nettoyage et entretien perpétuel de milliers de sites toxiques abandonnés.

Les populations autochtones veulent la possibilité de dire "non" lorsque les coûts surpassent les bénéfices.

L'exploitation minière est une activité à court-terme. À quelques exceptions près, les mines ont une durée de 5 à 15 ans. Elles peuvent bien procurrer certains emplois pour la population locale, mais le prix à payer pour ces emplois peut inclure la disparition à tout jamais de styles de vie traditionnels due à la destruction du caribou, du poisson et des forêts causée par les déchets miniers, à la migration des populations, et au développement d'infrastructures telles les barrages, les routes et les pistes d'atterrissage.

Lors d'une consultation auprès d'organisations autochtones, en septembre dernier, on apprenait que la présence des mines est la source d'énormes problèmes sociaux dans les communautés, y inclus le suicide. Les débats portant sur le rôle du développement et sur la répartition des bénéfices engendrés par l'activité minière créent au sein des communautés des schismes qui ne sont pas sur le point d'être oubliés.

Les pressions exercées par les compagnies minières pour l'obtention rapide d'ententes concernant les évaluations environnementales, les droits fonciers et la répartition des bénéfices peuvent venir à bout des chefs de file des communautés et créer les conditions pour que de mauvaises décisions soient prises. Toutes les négociations se déroulent dans des hôtels, loin de chez-soi et de la communauté. Dans une toute petite Première Nation, dans les Territoires du Nord-Ouest, une population de 600 habitants doit négocier avec 40 compagnies minières, dont deux des plus grosses au monde.

Les travailleurs et les communautés portent le poids des risques pour la santé.

Le travail dans les mines est dangeureux, même dans les mines établies depuis longtemps. Bien que les salaires soient parfois élevés, la durée de travail d'un mineur s'échelonne sur un petit nombre d'années seulement. La plupart des mines situées en régions éloignées demeurent en opération très peu longtemps. Les mineurs souffrent régulièrement de maux de dos et du syndrome des doigts blancs. Ils souffrent de surdité industrielle et de maladies pulmonaires chroniques. Plusieurs d'entre eux travaillent loin de leur famille et de leur communauté, et ne sont à la maison que pour de courtes périodes de temps. Le lobby minier vise constamment à réduire le pouvoir d'organisation des syndicats et leur capacité à protéger leurs membres.

Dans les communautés situées en aval des mines et sous le vent des fours de fusion, la quantité de métaux lourds et de toxines dans le sol et dans l'eau porte atteinte à la santé. Dans certaines communautés, les gens qui consomment des aliments comme le poisson, le gibier ou des plantes souffrent du cancer, d'allergies, et d'autres symptômes d'empoisonnement. Les indemnisations versées par les commissions des accidents du travail peuvent couvrir certains coûts de santé, mais il revient aux familles et au public de prendre soin des invalides et des malades. Cela n'apparaît pas dans les comptes des compagnies.

On ne peu plus traiter l'environnement de manière négligente.

Le coût le plus élevé des opérations minières réside dans les dégâts qu'elles laissent derrière. À la mine Giant, à Yellowknife, il y a encore suffisamment de trioxide d'arsenic pour contaminer tout le Grand Lac des Esclaves. Le nettoyage des étangs de goudron à Sydney va coûter plus d'un demi-milliard de dollars. La mine Britannia en Colombie-Britannique déverse de l'acide et des toxines dans la baie de Howe Sound. En dépit des efforts de régénération de la nature à Sudbury, il faudra des dizaines de milliers d'années avant que les terres endommagées par INCO et Falconbridge ne redeviennent les forêts de pins d'antan.

L'héritage toxique des mines n'est pas une exception; c'est la règle.

Aujourd'hui comme par le passé, partout où des mines s'installent, elles laissent derrière leur passage des déchets de roche, des écoulements d'acide minier et des eaux contaminées. Même les sites les mieux récupérés, comme la mine Rio Algom Poirier au Québec, vont exiger de la surveillance et de l'attention à tout jamais à cause des vastes étendues de sols contaminés et des bassins de décantation et de stockage des stériles et boues laissés derrière. Même les solutions technologiques les plus coûteuses ne peuvent que minimiser les dégâts. Pour d'autres types de dommages, tel que la radioactivité, il n'existe encore aucune solution technologique.

Les représentants de l'industrie minière voudraient bien laisser croire que leurs nouveaux projets sont retardés sans raison par les processus d'évaluation des impacts environnementaux. Ces délais ne sont pas sans fondement; ils résultent du besoin pour de la recherche et des analyses approfondies sur les conséquences de l'activité minière, et du droit pour les communautés et pour les gouvernements de dire "non? si le projet crée plus de problèmes qu'il n'en résout. Les représentants de l'industrie font constamment pression afin d'affaiblir les lois et la réglementation en matière d'environnement, et de réduire les budgets liés à leur mise en application.

Les compagnies minières arrivent comme un cheveux sur la soupe dans des communautés et des éco-systèmes, sans y être invitées. Si elles trouvent des gisements d'importance, elles exigent le droit d'exploiter.

L'activité minière a des conséquences à long-terme et plusieurs coûts cachés. Nous avons tous la responsabilité de protéger l'avenir à l'aide de mesures régulatrices bien-fondées ayant un poids réel, et de ressources adéquates pour veiller à leur application.

Mines Alerte se veut une voix en faveur de l'intérêt public face aux menaces posées par des pratiques minières irresponsables. Nous sommes une organisation à but non-lucratif, basée à Ottawa, dont les membres sont des groupes oeuvrant en faveur de la justice sociale ainsi que des organisations environnementales, autochtones et syndicales.

Pour plus d'informations, communiquez avec Joan Kuyek, Coordonnatrice nationale (613) 569-3439