Lettre ouverte: Oui à l’électrification des transports, mais pas en minant nos terres, notre air et notre eau

Source:
Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH)

100 millions de tonnes de déchets miniers : Un projet de mine à ciel ouvert près de Saint-Michel-des-Saints inquiète la population

M. Legault, alors que vous annonciez cette semaine reconduire les subventions aux voitures électriques, nous vous lançons un cri du cœur afin que l’exploitation minière et les millions de tonnes de déchets miniers qu’elle génère pour la fabrication de ces voitures ne se fasse pas en sacrifiant nos terres, notre air et notre eau.

Nous sommes de simples citoyens, propriétaires, villégiateurs et commerçants de la région de Saint-Michel-des-Saints qui, depuis deux ans, vivent un cauchemar face à la venue possible d’une immense mine à ciel ouvert de la compagnie Nouveau Monde Graphite – laquelle vise le marché des voitures électriques.

Si elle est autorisée, cette fosse de plus de 2,7 km de longueur et 240 m de profondeur deviendrait la plus grande mine à ciel ouvert du sud du Québec.

Elle pourrait engouffrer sans problème l’équivalent de cinq édifices de la Place Ville Marie à Montréal.

Elle générerait plus de 100 millions de tonnes de déchets miniers, soit 20 fois plus que la quantité totale de déchets domestiques qu’on envoie chaque année dans les sites d’enfouissement au Québec.

Selon les dernières études disponibles, 10 à 40 % des déchets miniers provenant de cette mine seraient « potentiellement acides » à « très acides ». Le promoteur n’a toujours pas révélé la composition chimique, ni la quantité totale des contaminants qui seraient déversés dans les eaux usées de cette mine pour des décennies à venir.

Or, le site minier avoisine le splendide parc national du Mont-Tremblant et se situe dans le bassin versant du majestueux parc régional du Lac-Taureau, un des plus grands plans d’eau à proximité de Montréal, immense de 270 km de berges et de plages. Ses 45 îles et ses nombreuses plages de sable fin en font d’ailleurs un lieu exceptionnel de villégiature, en plein essor récréotouristique depuis une quinzaine d’années, avec des milliers de visiteurs chaque année.

Bien entendu, le promoteur minier tente de se faire rassurant et nous promet la lune. Et nos élus municipaux tombent sous le charme pour l’instant. Il n’y a pas d’acceptabilité sociale chez nous, il y a de la division sociale.

Mais nous ne sommes pas dupes. Nous constatons ce qui s’est produit avec d’autres minières au Québec. L’incapacité de nos ministères d’appliquer les lois, sans conséquence ou pénalité sérieuse pour les minières qui ne respectent pas les normes. Des dizaines de sites miniers abandonnés, contaminés, qui coûteront près de 1 milliard aux Québécois à nettoyer, sécuriser. Des emplois non durables qui disparaissent, une fois la mine fermée.

Et tout cela pour fournir le marché « vert » de la voiture électrique, vraiment ?

Soyons clairs : notre cri du cœur n’est pas le simple reflet du « syndrome pas dans ma cour ». Il ne cherche pas à remettre en question l’électrification des transports et la nécessaire lutte contre les changements climatiques. Ni même à remettre en cause le secteur minier au Québec.

Oui, il faut électrifier davantage nos transports. Oui, il faut faire beaucoup mieux pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre au Québec. Mais il ne faut surtout pas le faire en se tirant dans le pied, sans plan, sans stratégie et sans réduire à la fois notre empreinte énergétique et notre empreinte minière.

Nous constatons que nous ne sommes pas seuls face à ces enjeux au Québec. Que ce soit le projet controversé de mine de lithium de Sayona Mining, en Abitibi-Témiscamingue, ou celui de graphite de Canada Carbon à Grenville-sur-la-Rouge (avec la menace d’une poursuite de 96 millions), il apparaît évident que l’on ne peut laisser traîner les choses.

M. Legault, si le Québec veut davantage s’engager dans l’exploitation de mines de lithium et de graphite pour permettre l’électrification des transports, il est urgent de revoir nos lois et nos normes. Québec doit surtout dire « non » aux projets miniers situés dans des milieux sensibles à haute valeur écologique, sociale et économique pour l’ensemble des Québécois.

Le Québec est grand. Le Québec est riche de ressources minières. Assurons-nous de les exploiter de façon raisonnée, d’exiger des normes beaucoup plus strictes, de protéger nos milieux sensibles, et surtout de favoriser le recyclage, l’économie circulaire et une réduction de notre empreinte minière avant de se lancer tête baissée dans l’exploitation de nouvelles mines pour l’électrification des transports.

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JOSÉ GAGNON ET DMITRI KHARITIDI, MEMBRES DE LA COALITION DES OPPOSANTS À UN PROJET MINIER EN HAUTE-MATAWINIE (COPH), ET TROIS AUTRES SIGNATAIRES*

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