Billet de blog

Lettre au premier ministre François Legault : Réformes nécessaires dans l’encadrement social et environnemental du secteur minier

Lisez la lettre avec les notes de bas de page ici.

Honorable François Legault

Premier Ministre, Conseil exécutif
835, boulevard René-Lévesque Est, 3e étage
Québec (Québec) G1A 1B4
Téléphone : 418 643-5321 | Télécopieur : 418 646-1854

Objet : Réformes nécessaires dans l’encadrement social et environnemental du secteur minier

Monsieur le Premier Ministre,

Par la présente, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine (QMM) vous félicite pour l’élection de votre gouvernement. Nous souhaitons également vous partager une liste d’actions et de solutions que nous considérons comme prioritaires à mettre en œuvre afin d’assurer un meilleur encadrement des activités minières sur les plans social et environnemental.

Selon un récent sondage réalisé à notre demande par la firme Léger, la population québécoise accorde une grande importance à la protection de la santé et de l’environnement affectés par le secteur minier. Elle s’attend notamment à un meilleur encadrement de l’industrie par le gouvernement du Québec. Parmi les résultats du sondage, notons:

  • 73% de la population estiment que l’industrie minière « engendre des impacts négatifs importants sur l’environnement », alors que à peine 28% jugent que l’industrie et les gouvernements « en font assez pour protéger l’environnement »; 79% affirment qu’il faut prioriser la santé et l’environnement, « même si cela signifie que certains projets miniers devront cesser leurs opérations »; 
  • 78% se disent en faveur d’exiger « le consentement des populations locales (p.ex.: municipalités, Nations autochtones) avant d’autoriser toute activité minière sur leur territoire » et 75% demandent « d’interdire tout projet minier dans des zones touristiques ou de villégiature »; 89% demandent « d’interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible »;
  • 80% soulignent que « les gouvernements doivent prioriser la réutilisation et le recyclage des minéraux avant d’exploiter davantage de mines », et devant l’urgence climatique, 71% se disent favorables à « surtaxer l’extraction de minéraux de luxes comme l’or et l’argent »;
  • 83% demandent « d’appliquer le principe pollueur-payeur », dont 79% en faveur « d’augmenter les tarifications environnementales pour les volumes d’eau utilisés et les volumes de déchets miniers générés »; 87% demandent de « pénaliser sévèrement toute infraction aux normes environnementales et de santé publique »;
  • 82% exigent « plus de transparence en rendant publiques, mine par mine, les données sur les revenus, les profits et les impôts versés aux gouvernements » et 64% se disent favorables de « stopper les subventions publiques en soutien à l’exploration et l’exploitation minière ».

De la norme du nickel à Québec à la Fonderie Horne, en passant par le boom de claims miniers qui mobilise actuellement près de 142 municipalités dans des zones sensibles du sud du Québec, sans oublier les revendications des peuples autochtones pour le respect de leurs droits ancestraux, les dossiers miniers ont fréquemment défrayé les manchettes au cours des derniers mois. Ces événements ont exposé de nombreuses failles dans les cadres normatifs en vigueur.

Avec l’augmentation de la demande mondiale en minéraux et le boom d’exploration minière sur le territoire, ces failles risquent de nuire davantage à l’acceptabilité sociale et à la crédibilité environnementale de l’industrie et des minéraux issus du Québec, ici comme à l’international.

Pour combler ces lacunes, redresser la situation et répondre aux attentes légitimes de la population, nous vous encourageons à mandater les prochains ministres de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) à procéder à des actions coordonnées pour assurer un meilleur encadrement social et environnemental du secteur minier, et ce, en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes.

Parmi les actions prioritaires que nous recommandons, notons:

  • Réviser les orientations gouvernementales en matière de « territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) » afin d'assurer un aménagement du territoire dans le respect de l'environnement et des populations locales, notamment en protégeant les zones touristiques, les lacs et les milieux naturels valorisés du Québec (p.ex.: parcs régionaux, réserves fauniques, sources d’eau potable, lacs de villégiature, milieux hydriques, terres agricoles, foresterie durable, etc.).
  • Abroger l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et réviser certains articles de la Loi sur les mines afin de doter le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) et le MERN de nouveaux outils leur permettant d’assujettir des claims miniers existants aux « territoires incompatibles avec l’activité minière » (TIAM) et, le cas échéant, de suspendre et de révoquer des claims pour des raisons d’intérêt public (a.82, 304 et 304.1.1). Il faut également arrimer ces lois avec les droits inhérents, constitutionnels et internationaux des peuples autochtones en relation avec l'accès au territoire et aux ressources, de même qu'en matière de consultation et de consentement des communautés affectées. 
  • Adopter un règlement environnemental spécifique au secteur minier en remplaçant la directive ministérielle actuelle par un règlement qui a force de loi, comme il en existe déjà pour d'autres secteurs industriels au Québec. Un tel règlement permettrait notamment d'interdire de déverser des déchets miniers dans tout lac, source d'eau potable et milieu de haute valeur écologique, de meme que d'exiger des évaluations environnementales pour toute nouvelle mine. Il permettrait également au Québec de s'affranchir de normes fédérales moins efficaces et d'établir les meilleures normes connues par la science en matière de protection de la sané, de l'eau, de l'air et de la biodiversité. 

À ces mesures prioritaires s’ajoutent d’autres actions nécessaires, telles que celles visant le renforcement du principe pollueur-payeur, l’augmentation des effectifs gouvernementaux pour l’inspection des sites miniers, l’application systématique des normes et de pénalités plus sévères en cas d’infractions environnementales, ainsi que des mesures priorisant la réutilisation et le recyclage des minéraux a l'aide de politiques, d'investissements et de mesures éco-fiscales conséquentes, à l'instar des meilleures pratiques à l'international.

En comptant sur la collaboration et la bonne volonté de tous les acteurs impliqués, nous estimons que la plupart de mesures identifiées ci-dessus pourraient rapidement être adoptées. Entretemps et afin de ne pas aggraver la situation sur le terrain pour nombre de citoyens, de communautés et de régions présentement mobilisés, nous appuyons la demande d’un moratoire temporaire sur l’attribution de nouveaux claims miniers dans les zones sensibles du sud du Québec, le temps de réviser les cadres actuels.

Il serait également opportun que les prochains ministres du MELCC et MERN soient entièrement consacrés à leurs ministères respectifs et aient les moyens de leurs ambitions pour renforcer l'encadrement social et environnemental du secteur minier. 

Lors de la dernière campagne électorale, Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré « qu’il n’y aurait de mine sans acceptabilité sociale davantage à l’acceptabilité sociale  » et à la crédibilité environnementale de l’industrie et des minéraux issus du Québec et requièrent votre attention immédiate. Vous pouvez compter sur notre entière collaboration pour soutenir votre gouvernement dans la mise en œuvre des solutions proposées afin d’assurer un encadrement exemplaire du secteur minier québécois sur les plans social et environnemental.

Monsieur le Premier Ministre, merci de l’attention que vous porterez à la présente, et surtout n’hésitez pas à communiquer avec nos représentants pour toute question ou information complémentaires.

Veuillez recevoir nos salutations distinguées,

  • Me Rodrigue Turgeon, M.S.V.D., J.D. Avocat et coporte-parole, Coalition Québec meilleure mine Coresponsable du programme national, MiningWatch Canada
  • Ugo Lapointe, B.Sc.H. Consultant | Réduction de l’empreinte minérale, Cofondateur et co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine

c.c.
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles
Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador

Fondée en 2008, la coalition Québec meilleure mine a pour mission de promouvoir des meilleures pratiques et politiques publiques sur les plans social, environnemental et économique dans le secteur minier au Québec. La coalition regroupe aujourd’hui une trentaine d’organismes qui représentent, collectivement, plus de 300 000 individus de toutes les régions du Québec. La coalition regroupe des organismes citoyens, des organismes environnementaux, des syndicats, des organismes de recherche et des associations œuvrant dans le domaine de la santé. Depuis près de 15 ans, la coalition a été au cœur des débats touchant le secteur minier et a contribué à sensibiliser les décideurs publics et un large pan de la société québécoise sur plusieurs enjeux qui touchent ce secteur. La coalition a contribué positivement à redéfinir les politiques publiques, notamment la Loi sur les mines, les redevances, les garanties financières à la restauration, l’encadrement environnemental, l’acceptabilité sociale, les territoires incompatibles à l’activité minière, de même que sur les positions du Québec concernant les filières minérales de l’uranium et de l’amiante, et plus récemment sur les minéraux dits « critiques et stratégiques ». Depuis 2008, les membres de la coalition ont participé à une quinzaine d’évaluations environnementales de projets miniers au Québec, dont une dizaine d’enquêtes du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Depuis 2014, la coalition est un membre actif du Comité consultatif du ministre des mines du Québec.

         

QMM - Lettre au Premier Ministre (octobre 2022)