La police ouvre le feu sur des manifestants s'objectant aux intérêts miniers canadiens au Ghana, en Afrique de l'Ouest

Tarkwa Deeps mine. J. Kneen photo.

Ottawa — Les récentes nouvelles selon lesquelles la police du Ghana aurait tiré sur une foule protestant contre des intérêts miniers canadiens devrait constituer une préoccupation de toute première importance pour le Canada, selon le groupe de surveillance de l'industrie minière canadienne, Mines Alerte.

Des informations de source ghanéenne viennent confirmer que neuf personnes ont été blessées lorsque la police a ouvert le feu, le 13 décembre dernier, lors de manifestations contre les congédiements massifs à la mine Tarkwa de la compagnie Goldfields Ghana Ltd. (Goldfields Ghana Ltd. appartient à 18.9% à la Repadre Capital Corporation de Toronto, suite à une fusion avec Golden Knight Resources Ltd., et est exploitée par son propriétaire majoritaire, Gold Fields Ltd. d'Afrique du Sud).

Dans son édition du 15 décembre, le quotidien Ghanaian Daily Graphic révèle que des habitants de la région de Tarkwa manifestaient contre les mises à pied massives de travailleurs de la Goldfields Ghana Ltd. quand la police est intervenue pour disperser les manifestants. Ces mises à pied résultent de la fermeture de la mine souterraine de la compagnie à Tarkwa.

Goldfields Ghana Ltd. vient d'opter pour une mine à ciel ouvert avec un procédé d'extraction à base de cyanure afin de réduire ses coûts d'exploitation. Selon le gérant du site, Ben van Wyk, la main-d'oeuvre est passée de 1,500 à seulement 500 travailleurs. Entre-temps, la coopérative Akoon, une coopérative locale de mineurs artisanaux, a demandé la permission de maintenir en opération la mine abandonnée. Or, la compagnie déjà commencé à inonder celle-ci.

«Cette situation est extrêmement troublante,» d'affirmer Joan Kuyek, porte-parole de Mines Alerte. «Nous sommes d'avis que la compagnie est dans l'obligation d'assurer que les travailleurs qu'elle vient de mettre à pied reçoivent un traitement équitable et des réponses à leurs griefs.»

Le gouvernement canadien doit aussi répondre de ses politiques en matière de commerce international, ajoute madame Kuyek. «Le gouvernement fédéral s'est fait le promoteur des investissements des entreprises canadiennes à l'étranger en ne considérant que de façon marginale les questions reliées aux droits de la personne, aux normes de travail et à la protection environnementale. Le gouvernement canadien a fait la promotion des investissements étrangers au Ghana directement, ainsi que par le biais d'agences tel le FMI. Si ce que nous voyons en ce moment en est le résultat, quelque chose doit changer.»

Au cours des récentes années, la région de Tarkwa a déjà été le théâtre de conflits lors du déplacement de villageois et de mineurs artisanaux par les compagnies à capital étranger. Selon Jamie Kneen, également de Mines Alerte, le problème va bien au-delà de Goldfields Ghana Ltd.

«La presque totalité de la région est couverte de concessions minières, y inclus les fermes et les villages des habitants locaux, aussi bien que les réserves forestières. Nous avons été témoins de beaucoup d'abus de pouvoir, de personnes souffrant de contamination environnementale, voyant leur ferme détruite ou obligées d'abandonner leur terre en échange de paiements compensatoires risibles — ou encore forcées d'accepter des ententes et des conditions de relocalisation inadéquates,» a déclaré monsieur Kneen. Ce dernier a récemment visité Tarkwa et plusieurs villages avoisinants au sein d'une délégation de quatres Canadiens et Canadiennes qui participaient à une conférence sur les mines organisée par le Third World Network et intitulée «Activité minière, développement et conflits sociaux en Afrique».

«Goldfields Ghana Ltd. se doit d'agir de manière responsable,» de poursuivre Jamie Kneen. «Si les profits affichent une hausse aussi dramatique dûe au changement de ses méthodes d'exploitation, la compagnie n'a-t-elle pas une certaine obligation de partager une part quelconque de cette richesse avec la population qu'elle déplace et qu'elle met à la porte?»

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Pour plus de renseignements :

Joan Kuyek, Coordonnatrice nationale ou Jamie Kneen, Coordonnateur des communications Mines Alerte Tel. (613) 569-3439

ARRIÈRE-PLAN

Déclaration concernant la responsabilité canadienne pour les abus contre les droits de la personne dans le district minier de Tarkwa, au Ghana

Introduction

Nous sommes quatre Canadiens de retour du Ghana où nous avons assisté à une conférence sur les mines. Durant notre séjour, nous avons eu l'occasion de visiter deux mines en opération, ainsi que deux communautés avoisinantes.

Nous sommes indignés par ce dont nous avons été témoins. Dans la région ouest du Ghana, des communautés entières ont été expropriées. Les maisons et les écoles ont été détruites, et les sources d'approvisionnement en eau potable contaminées. Les populations locales n'ont désormais plus accès aux champs et à leurs récoltes. Et tout cela à cause de l'expansion non réfrénée des activités minières.

Cette situation est source de souffrance humaine incalculable. Puisque plusieurs compagnies d'origine canadienne sont présentes dans la région, nous croyons fermement que ces entreprises, ainsi que le gouvernement canadien qui les appuie par le biais de ses politiques, doivent assumer la responsabilité de leurs actions.

Nous avons signé la déclaration qui suit (publiée au Ghana immédiatement après la conférence) afin de souligner qu'il est impératif pour le gouvernement canadien et la population canadienne de reconnaître leur responsabilité devant une telle situation et de contribuer à la recherche d'une solution.

  • Bonnie Campbell, Montréal
  • Ralph Hazleton, Ottawa
  • Jamie Kneen, Ottawa
  • Gary Kenny, Toronto

Déclaration concernant les abus contre les droits de la personne dans le district minier de Tarkwa
Accra — Le 18 novembre, 1999

Nous, signataires de cette déclaration en provenance de l'Australie, du Canada, de l'Angleterre, de l'Éthiopie, du Mali, du Nigeria, des Philippines, du Sierra Leone, de l'Afrique du Sud, de la Tanzanie et des États-Unis, présentement au Ghana dans le cadre de la conférence intitulée ´Activité minière, développement et conflits sociaux en Afriqueª, et possédant une expérience collective considérable sur la question des mines et de leurs effets dans les communautés, sommes de retour d'une visite dans le district minier de Tarkwa, effectuée le 17 novembre, 1999. Nous sommes tellement indignés et consternés par ce dont nous avons été témoins que nous avons décidé de publier la présente déclaration publique.

Nous comprenons que les politiques récentes visant à faciliter l'accès à l'économie du Ghana aux compagnies minières pour l'exploration et l'exploitation de mines d'or ont eu pour effet d'attirer plusieurs compagnies provenant des mêmes pays que certains d'entre nous.

Nous savions que l'expansion des activités de ces compagnies avait entraîné l'expropriation des terres habitées par les familles ghanéennes, notamment dans la région de Tarkwa, ainsi que la mise en oeuvre de mesures de déplacement et/ou relocalisation.

Au cours de visites dans les communautés de Nkwanta-krom et d'Atuabo, nous avons observé collectivement des situations qui constituent une injure à la dignité humaine et qui violent les droits des individus inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, notamment l'article 25, ainsi que les droits enchâssés dans la Constitution nationale du Ghana.

Dans les deux communautés visitées nous avons été en mesure de constater ce qui suit :

  • l'absence d'accès à de l'eau potable;
  • un accroîssement des risques de maladie, mais encore aucun accès à des soins médicaux adéquats;
  • un accès restreint à la terre pour la production d'aliments de base;
  • l'absence d'accès à l'école pour les enfants;
  • l'absence de routes d'accès menant à ces communautés.

Une situation alarmante s'est développée avec de sérieuses implications en termes de droits de la personne parce qu'aucune des parties concernées n'assume ses responsabilités pour les conséquences de ses gestes. Ces acteurs comprennent les compagnies minières présentes sur le territoire de Tarkwa et leurs actionnaires, ainsi que les autorités administratives locales et du gouvernement central directement liées avec le secteur minier. Ces compagnies incluent, entre autres :

  • Goldfields Ghana Ltd. (Afrique du Sud)
  • Golden Knight Resources (Canada)
  • Ghanaian Australian Goldfields/Iduapriem
  • Teberebie Goldfields (États-Unis)
  • Taylor Woodrow (Angleterre)
  • Prestea Sankofa Gold (Canada)
  • Birim Goldfields (Canada)
  • Prestea Resources Ltd. (Canada)
  • African Mining Services (Australie)

Les autorités administratives ou agences gouvernementales impliquées incluent :

  • la Commission des droits miniers
  • l'Agence de protection de l'environnement
  • les Assemblées de district
  • les Conseils régionaux de sécurité

Les gouvernements des pays d'où proviennent les compagnies minières sont également impliqués puisque ceux-ci se doivent de surveiller le comportement des entreprises de leur pays.

Nous manifestons la ferme intention de faire connaître la situation de la population déplacée de la région de Tarkwa dans chacun de nos pays respectifs.

Il nous est impossible de quitter le Ghana sans d'abord implorer les institutions responsables au Ghana afin qu'elles reconnaissent les conséquences sérieuses pour la population et les familles affectées et qu'elles interviennent sans tarder pour trouver des solutions rapides, humaines et pacifiques, en accord avec la réputation favorable dont jouit le pays aux yeux de la communauté internationale.

Signé par :

  1. Abu A. Brima, Sierra Leone
  2. Aimée Boulanger, États-Unis
  3. Alexis Dembele, Mali
  4. Andries Bezuidenhout, Afrique du Sud
  5. Bonnie Campbell, Canada
  6. Catalino L. Corpuz Jr., Philippines
  7. Gary Kenny, Canada
  8. Gebreyohannes Habtezgi, Éthiopie
  9. Glenn Lockitch, Australie
  10. Jamie Kneen, Canada
  11. Lemmy Owugah, Nigeria
  12. Matthews Hlabane, Afrique du Sud
  13. Ralph Hazleton, Canada
  14. Roger Moody, Angleterre
  15. Tundu A. Lissu, Tanzanie

Publié dans le Ghanaian Times, le 2 décembre, 1999