Billet de blog

Lettre ouverte: La voiture électrique a-t-elle meilleure mine?

Alors que se tenait récemment à Montréal le 1er salon du véhicule électrique et hybride au Canada, plusieurs s’interrogent si, dans les faits, la voiture électrique permet un gain environnemental?

La réponse courte est « oui », surtout si les sources d’énergie qui alimentent sa fabrication et sa conduite sont elle-même renouvelables. Mais il faut aussi s’assurer que les ressources minières nécessaires à leur fabrication soient exploitées de façon responsable.

Une récente étude du CIRAIG conclut que, dans le contexte du Québec, avec l’hydroélectricité, la voiture électrique atteint une performance de 55% supérieure à la voiture conventionnelle sur le plan de la santé (qualité de l’air) et de 80% supérieure pour la réduction des gaz à effet de serre. Cette étude souligne du même souffle que les ressources minières nécessaires à leur fabrication représentent toutefois un impact majeur.

À ce titre, l’augmentation de la part de marché des voitures électriques, qui pourrait quadrupler d’ici 2025, entraîne à son tour l’expansion de nouvelles filières minérales nécessaires à la fabrication de ces voitures (lithium, graphite, etc.).

Or, comme pour toute filière minérale, l’exploitation de ressources minières, non renouvelables, engendre des impacts sociaux et environnementaux considérables qu’il ne faut pas négliger.

Un exemple concret au Québec et directement lié à la filière de la voiture électrique est celui du projet minier de Nouveau Monde Graphite, qui souhaite exploiter une mine à ciel ouvert d’envergure (plus de 2km de longueur) à Saint-Michel-Des-Saints, au nord de Montréal.

Nous avons récemment entrepris une mission-terrain pour mieux évaluer les enjeux que suscite ce projet. Nous y avons rencontré : élus locaux, résidents, villégiateurs, Premières nations, de même que la minière. Voici trois enjeux majeurs que nous avons constatés :

  1. La mine produirait environ 60 millions de tonnes de déchets miniers qui contiennent des substances toxiques pour l’environnement et les cours d’eau environnants, notamment des sulfures pouvant poser un problème de drainage minier acide. Ces déchets miniers devraient être entreposés à perpétuité sur le territoire de la municipalité, dans le bassin versant du Lac Taureau, avec les risques de déversements et de contamination que cela suscite à long terme. La minière est consciente du défi énorme que ce risque représente. Elle n’a pas de solutions concrètes à ce jour, mais évalue différentes options pour la suite.
  2. La mine serait située dans un milieu sensible, au cœur d’un secteur à haute valeur récréotouristique et de villégiature, soit nichée entre le Parc national du Mont Tremblant et le Parc régional du Lac Taureau, de même qu’à proximité de deux réserves fauniques d’importance. Chaque année, des milliers de villégiateurs, touristes, chasseurs et pêcheurs fréquentent la région. Le Lac Taureau est décrit comme « un lieu exceptionnel de villégiature » et « l’un des plus grands plans d’eau à proximité de Montréal »[1].
  3. Les droits des citoyens qui seraient affectés par les impacts reliés au bruit, aux poussières et aux dynamitages. La minière s’engage d’offrir « l’acquisition de propriétés » jusqu’à 1km de distance pour ceux qui souhaitent quitter le secteur. Cette distance nous semble toutefois insuffisante pour une mine de cette envergure qui, de surcroît, serait située en hauteur et en amont des vents dominants par rapport à plusieurs zones habitées.

Il faut ajouter à ces enjeux celui de la nécessité d’assurer le respect des droits de la Nation Atikamekh Manawan, dont le territoire ancestral serait directement touché.

Bien que des élus locaux voient d’un bon œil les retombées économiques potentielles du projet, plusieurs associations de riverains et de villégiateurs s’y opposent vertement. Ils ont d’ailleurs fondé le mouvement « Pour la vraie nature de Saint-Michel-Des-Saints » et lancé récemment une pétition visant à protéger le secteur.

Ces enjeux illustrent que même pour des filières industrielles dites « vertes », comme l’électrification de la voiture, il y a lieu d’être extrêmement vigilant pour choisir les bons projets, éviter les mauvais, et mettre en place les meilleures pratiques. Surtout, ils soulignent l’importance de promouvoir des modes de consommation qui permettront de réduire, à la source, le besoin d’extraire davantage de ressources et, par le fait même, notre empreinte environnementale globale.

* Ugo Lapointe, cofondateur de la Coalition Québec meilleure mine, coordonnateur à MiningWatch Canada, www.quebecmeilleuremine.org  


AUTRES INFORMATIONS:

Salon de la voiture électrique 2017 : https://svem.ebems.com/

Étude de cycle de vie du CIRAIG 2016 : http://docplayer.fr/28497665-Analyse-du-cycle-de-vie-comparative-des-imp...

Pour la vraie nature de Saint-Michel-Des-Saints : http://pourlavraienaturedestmichel.ddns.net/

Pétition : https://tinyurl.com/y7sjcgxd

Nouveau Monde Graphite : http://nouveaumonde.ca/fr/


Autres Constats de la Mission-Terrain de Québec Meilleure Mine à Saint-Michel-des-Saints, Mai 2017

La minière NMG prévoit compléter une étude de préfaisabilité économique à l’automne 2017, puis des études environnementales et une étude de faisabilité économique en 2018. Des consultations publiques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) auraient lieues à l’automne 2018 ou l’hivers 2019. Si le projet est autorisé, l’exploitation débuterait au plus tôt en 2020, pendant 25 ans.

L’entreprise n’a pour l’instant aucun acheteur confirmé pour le graphite qu’elle produirait, ni d’investisseur majeur. L’action de la compagnie se transige actuellement à 0,28$ pour une valeur boursière de 24 millions de dollars. NMG est une compagnie d’exploration minière junior sans autre actif ou expérience en exploitation minière. Elle a cumulé une perte de 2 millions en 2016.

Le marché du graphite est très compétitif et il y a plusieurs autres projets miniers avancés au Québec et à l’échelle mondiale, notamment en Chine, en Inde, au Brésil et en Afrique. La seule autre mine de graphite en opération en Amérique du Nord est la mine du Lac-des-Îles, non loin de Mont-Laurier au Québec. NMG souhaiterait éventuellement pouvoir prendre les parts de marché de cette mine, dont la fermeture serait prévue d’ici cinq ans, en plus de doubler sa capacité en visant le marché des voitures électrique.

La minière NMG a mis sur pied un « Comité » qui regroupe des représentants du milieu afin d’évaluer le projet. Le mandat, la mission et la composition de ce comité ne sont toutefois pas clairs, ni même son financement. Les citoyens qui s’opposent au projet minier préfèreraient un comité totalement indépendant, sans aucune influence de la minière, avec des fonds suffisants permettant de faire des analyses et des expertises indépendantes concernant les risques et les impacts anticipés du projet.

Nous constatons une ouverture apparente des dirigeants de la compagnie NMG. Mais au-delà des paroles et des intentions, ce sont à des garanties écrites, légales et financières auxquelles s’attend la population. La compagnie et ses actionnaires devront notamment démontrer qu’ils ont la capacité (et la volonté) de payer pour les multiples mesures de protection sociale et environnementale nécessaires à un tel projet. La gestion à long terme de 60 millions de tonnes de déchets miniers, les assurances en cas d’accidents ou de déversements majeurs, de même qu’un solide programme d’acquisition et de compensation pour les citoyens les plus durement touchés figurent au premier chef des coûts à prévoir. Cela reste à voir.

La région ne compte pas d’historique d’exploitation minière de cette envergure. Bien que les élus locaux et autochtones voient d’un bon œil la création possible de 100 emplois directs reliés à la mine, une partie importante de la population—dont des centaines de villégiateurs qui ont des propriétés dans le secteur—craignent les impacts négatifs que pourrait engendrer une mine à ciel ouvert d’une telle envergure (2km de longueur) pour la région, et ce, tant sur les plans environnemental, social, qu’économique. Le Parc régional du Lac Taureau est décrit comme « un lieu exceptionnel de villégiature » et « l’un des plus grands plans d’eau à proximité de Montréal » . Chaque année, des milliers de villégiateurs, touristes, chasseurs et pêcheurs fréquentent la région. À l’inverse, les municipalités de Saint-Michel-Des-Saints et de Saint-Zénon ont vu leur population résidente diminuer de façon importante au cours des dernières années (respectivement 13% et 19% depuis 2006, ou 613 personnes au total ) et souhaitent que des développements puissent inverser cette tendance.

Les secteurs du Lac Aux Pierres (0,5km), du Domaine Lagrange (0,5 à 2,5km), Lac England (1,5 à 2,5km), Lac Travers/Lac Du Trèfle (2,5 à 3,5km), seraient parmi les plus affectés par les impacts reliés au bruit, aux poussières et aux dynamitages. La rivière Matawin et le Lac Taureau sont susceptibles à des contaminations ou des déversements miniers si les déchets miniers sont mal gérés.